17 décembre 2021 par Jean Mermoz
[ Tableau : Pont-Romain à Mostar – Római híd Mosztarban 1903 ]
Introduction
Après la fin de la guerre par la signature des accords de Dayton, la Bosnie Herzégovine a dû effectuer une triple transition : passage de la guerre civile à la paix civile, du titisme à la démocratie libérale et enfin du collectivisme à l’économie de marché. Ce pays a ainsi été le théâtre de la reconstitution d’un État sous la direction de la communauté internationale. Depuis 2004, l’Union européenne a pris le relai de la mission de stabilisation de l’OTAN avec l’opération Althéa et le déploiement de l’EUFOR. Elle est également chargée de faire respecter les accords de Dayton et désigne le haut représentant qui dispose de prérogatives très étendues en ce sens, faisant de facto de ce pays, un protectorat. La Bosnie constitue donc une première expérience d’une politique extérieure européenne. Cependant, après deux décennies de transition soutenue par des aides et investissements de la communauté internationale, l’économie bosnienne est restée au point mort et le pays est même l’un des plus pauvres du continent européen. Paradoxalement, Laurent Geslin [1] remarquait qu’après des pertes humaines et matérielles bien supérieures durant la Seconde Guerre mondiale, la Bosnie, à l’époque, avait rattrapé son niveau de production d’avant guerre en moins de 5 ans.
Comment alors la politique menée par la communauté internationale sur une période d’un quart de siècle n’a-t-elle pu obtenir de résultats probants ? Il s’agira ici de s’interroger sur la cohésion d’un peuple bosnien pluriethnique pour en venir à la question de l’évolution de l’État bosnien et enfin aborder les buts et moyens de la politique extérieure européenne dans la construction d’un tel État.
Un peuple uni dans un État bosnien pluriethnique ?
Quand il s’agit de discuter de l’histoire du peuple bosnien, on se retrouve vite confronté au fait que celui-ci se divise en trois groupes distincts ; les Serbes, les Croates et les Bosniaques, qui forment aujourd’hui les trois « peuples constitutifs » de Bosnie-Herzégovine. Dès lors, pour étudier la constitution éventuelle d’un peuple bosnien au XXIe siècle, il convient d’aborder l’histoire et les relations de chacune de ses composantes. À l’origine Slaves, ces trois groupes se sont séparés et différenciés au gré de l’influence des différents empires auxquels ils ont été assujettis.
Les Croates ont fait partie du royaume hongrois dès 1102 puis de l’empire des Habsbourg en 1527 et austro-hongrois jusqu’en 1918. La Dalmatie étant, elle rattachée à la république de Venise, puis devint la république de Raguse. Les Croates sont ainsi parties prenantes de la sphère d’influence catholique, et à l’intersection des sphères latines, magyares et germaniques. De plus, au sein de l’Empire autrichien, ils se situent dans les « confins militaires », les krajine servant de « rempart de la chrétienté » face aux Turcs.
Les Serbes ont formé un premier royaume entre le IXe et le XIe siècle, puis un second de la fin du XIIe siècle à l’annexion à l’Empire ottoman en 1459. La Serbie réapparait en 1815 sous forme de principauté autonome, puis s’ensuivra l’indépendance. Ils furent convertis au christianisme orthodoxe dès le IXe siècle par les moines Cyrille et Méthode. À travers le soutien aux tentatives de reconquête des armées autrichiennes contre les ottomans ou encore une première indépendance menée par Karadjordje en 1804, dont le descendant Pierre Ier deviendra souverain de Serbie, la résistance contre l’envahisseur turc constitue l’une des pierres angulaires de l’histoire serbe. Enfin, de par les alliances et stratégies des grandes puissances dans la région, ils furent dans les sphères d’influence russe et française.
Les Bosniaques, au cours de leur histoire, ont successivement fait partie de l’Empire byzantin, des royaumes hongrois et serbes, puis ont été intégrés après 1463 à l’Empire ottoman jusqu’en 1878 où le territoire de la Bosnie a été placé sous protectorat autrichien avant d’être annexé en 1908. Peuple slave ayant développé une Église autonome, ils furent à la fois persécutés par les catholiques et les orthodoxes, puis se sont rapidement convertis à l’Islam après la conquête ottomane. Jean-Arnault Dérens [2] explique ce phénomène par « la faiblesse des structures ecclésiastiques dans un pays partagé par les deux influences, celle de Rome de celle de l’orthodoxie. » Au XIXe siècle, avec l’éveil des nationalismes, le sentiment national bosniaque fut exalté par l’empire habsbourgeois pour contrer le nationalisme serbe [3].
Ainsi, il apparaît que les trois composantes du peuple bosnien se sont historiquement construites, d’une part, sous l’influence de puissances extérieures, d’autre part en opposition les unes des autres. Mais alors, doit-on conclure à une sorte d’atavisme condamnant toute tentative de cohabitation de ses composantes dans une entité étatique ?
On retrouve chez de nombreux auteurs [4] la défense du concept de komšiluk (« bon voisinage ») contre cette idée et en tant que modèle viable d’une société multiculturelle bosnienne. Sous l’Empire ottoman : le komšiluk reconnaissait la séparation des narodi (groupes ethniques) tout en entretenant la coopération des différents groupes par une régulation intercommunautaire au niveau local. Ce faisant, le komšiluk entretenait la différenciation, mais ne proposait pas la formation d’une identité commune en surplomb des différences, ce qui, lorsque le conflit a éclaté, a servi les actions d’épuration ethnique, puisque l’appartenance communautaire de tout un chacun était connue de tous. La formation d’une identité commune susceptible de rassembler les différentes composantes du peuple bosnien n’a commencé qu’avec la brève expérience des Provinces illyriennes fondées par Napoléon puis s’est concrétisée par l’identité yougoslave après la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, le yougoslavisme bien que reconnaissant les nationalités de chaque groupe (même de groupes aujourd’hui considérés comme minorités : les Roms, Hongrois, Autrichiens, etc.) proposait une identité commune à ces peuples afin de bâtir le projet communiste. Les peuples étaient partie prenante de la construction de l’État.
Il apparaît donc que tout au long de leur histoire, la cohabitation au sein d’un même État a pu se faire, mais dans le cadre de la domination d’une puissance extérieure (Empires autrichien, ottoman), ou d’un régime autoritaire (Royaume serbe, Yougoslavie de Tito).
Le morcellement de la Yougoslavie commença, dès 1974. La constitution adoptée transféra l’essentiel des prérogatives aux Républiques [5] . Ainsi l’affaiblissement de l’État central, puis la mort de Tito en 1980, entrainèrent l’affirmation de revendications nationales en Slovénie et Croatie d’une part, car en tant que régions les plus riches, elles contestaient la redistribution vers les régions pauvres de la fédération au profit d’un rapprochement avec l’occident, d’autre part, en réaction à la volonté de domination serbe incarnée par Milosevic.
L’effondrement de l’identité yougoslave a accompagné celui de la Yougoslavie, au profit des identités ethniques. En Bosnie, les accords de Dayton ont entériné la reconnaissance d’un État mono ethnique serbe (République serbe de Bosnie) et d’un État croato-bosniaque (Fédération de Bosnie-et-Herzégovine). Cette territorialisation des communautés maintenues au sein d’un même État fédéral (Bosnie-Herzégovine) a accentué le développement de sentiments nationaux divergeant, favorisé le maintien des partis nationalistes [6] dont la rhétorique se trouve par ailleurs renforcée par l’image de mise sous tutelle de l’État bosnien [7] induite par l’autorité exercée par le Haut Représentant.
Au lieu d’unir les peuples, les institutions issues de Dayton entretiennent les clivages nés de la guerre et empêchent l’émergence d’un nouveau paradigme. Il est révélateur de constater que la notion de « peuple bosnien » soit absente de la Constitution, tout comme le terme « Bosnien » par ailleurs. Si l’émergence d’un sentiment national bosnien semble donc peu probable, réapparaît en revanche dans l’ensemble des Républiques d’ex-Yougoslavie, un phénomène, dit de « yougonostalgie [8] ». La yougonostalgie, à défaut d’unir les peuples sous un seul État, pourrait néanmoins, en tant que socle historique commun, poser les bases d’une réconciliation et de coopération entre les peuples d’ex-Yougoslavie.
La réalité d’un État bosnien aujourd’hui ?
La création de l’État de Bosnie-Herzégovine est frappée d’un vice de conception fondamental ; la Constitution de cet État, qui figure en annexe des accords de Dayton, fut rédigée par des diplomates internationaux, mais jamais approuvée par la voie référendaire par la population. En d’autres termes, afin de succéder au régime titiste, la communauté internationale a souhaité favoriser l’implémentation d’une démocratie libérale… sans la participation du demos.
Au-delà de cela, cette constitution distingue trois peuples constitutifs, trois demos ; les Serbes, Croates et Bosniaques et entérine ce qui constituait les buts de guerre de chacun des partis : création d’une entité étatique serbe, mais maintien de celle-ci au sein de la République de Bosnie-Herzégovine. Il y donc ici contradiction, car d’une part elle reconnait l’existence de différents peuples, chacun vivant dans une entité lui étant propre (avec une constitution, un gouvernement, un parlement, etc.) tout en les maintenant dans un État fédéral à vocation pluriethnique auquel l’adhésion populaire lors de sa création est discutable, puisqu’elle intervint à la suite d’un conflit où la purification ethnique des territoires était une stratégie largement employée.
D’autre part, l’action même de cet État central aux domaines de compétence très restreints n’a eu de cesse d’être contestée, allant jusqu’au refus de l’application de certaines réformes par les entités fédérées. A contrario, le Haut-Représentant, doté lui de prérogatives très larges depuis la conférence de Bonn de 1997 est capable, entre autres, de destituer des responsables politiques et de faire imposer les réformes, comme cela fut le cas, par exemple, avec la réforme de la constitution en 2002. Au final, l’État central se trouve décrédibilisé et vidé de sa substance, au profit des entités pilotées par les partis nationalistes, qui ont pu jouer sur l’idée d’une contrainte par une force extérieure pour se défausser de la mise en place de mesures impopulaires, mais en même temps se maintenir au pouvoir en la dénonçant et en faisant figure d’opposition [9].
La structure administrative de l’État bosnien demeure de surcroît extrêmement complexe, avec des institutions se multipliant au niveau de l’État central, des entités et des cantons : 15 agences de polices, 13 ministères de l’Intérieur, 11 ministères de l’Éducation. De plus il faut ajouter à cela une constitution au niveau fédéral, puis une pour chaque entité et enfin une par cantons. Cela fait de la Bosnie l’État le plus bureaucratisé au monde et rend très difficiles la production législative et le respect de celle-ci. Ainsi, 24 ans après la création de l’État bosnien, subsistent encore des cantons où la constitution n’a pas été harmonisée avec celle de la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine et par conséquent ne garantit pas l’égalité des citoyens serbes (la réforme datant de 2002). En dehors d’occasionnelles pressions internationales, la structure des administrations ainsi que les oppositions politiques des différents groupes ont maintenu le pays dans un système autobloquant, empêchant toute sortie de crise.
Un dernier point important ayant sévèrement porté atteinte à la viabilité de l’État bosnien vient de la reconnaissance de l’indépendance unilatérale du Kosovo par une partie de la communauté internationale, notamment la sphère occidentale, également architecte de la construction bosnienne. Ce faisant, toute revendication d’indépendance ou de rattachement de la Républika Srpska à la Serbie se trouve confortée par le précédent du Kosovo, comme cela a été utilisé par ailleurs avec l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie en 2008, ou plus récemment avec la Crimée. Selon ce qui ressort du dernier rapport en date du Haut Représentant [10], cette option est ouvertement envisagée par le Président de la Républika Srpska au vu de ses déclarations prônant le rattachement de l’entité serbe à la Serbie [11] et la remise en question de la Bosnie Herzégovine en tant qu’État [12] allant jusqu’à la menace de sa dissolution [13]. De plus, l’abrogation, par la République Srpska, du rapport de 2004 sur Srebrenica qui y reconnaissait l’implication de ses forces armées, compromet sérieusement le processus de réconciliation. Ce qui est par ailleurs confirmé par le Haut Représentant de l’ONU [14], au sujet de la recrudescence des achats d’armes, ainsi que par Federica Mogherini [15] qui écrit que la présence de l’EUFOR permet d’éviter une reprise du conflit.
Les évènements des derniers mois marquent un pas supplémentaire vers la désintégration de la Bosnie-Herzégovine. Après de nombreuses déclarations de Milorad Dodik [16], président de la République serbe de Bosnie, l’adoption par l’Assemblée de la Républika Srpska de 5 textes portant sur la création d’institutions parallèles concernant les domaines de la fiscalité, la sécurité, la défense et la santé portent les préludes d’une démarche de sécession [17]. Par ailleurs, les Croates de Bosnie via leur dirigeant Dragan Čović, soutenus par la Croatie, poussent également au séparatisme à travers la promotion d’un renforcement de la législation autour du caractère ethnique du vote (donc d’une « réorganisation », comprendre plutôt « détricotage » des institutions fédérales) auprès de l’UE et des Américains [18], allant même jusqu’à voter au côté des Serbes l’abrogation de la loi pénalisant la négation de génocide [19].
Sommes-nous alors à la veille d’un nouveau conflit généralisé en Bosnie, comme le craint le représentant de l’ONU [20] ? Si les tensions sont bien réelles, que l’entité serbe semble se diriger vers le retrait de ses troupes de l’armée fédérale et la création de sa propre armée, on constate également que ce qui motive les différents groupes nationalistes n’est pas tant une animosité envers les autres groupes ethniques (bien qu’existante), mais au contraire une volonté d’émancipation, une lassitude commune de cette création occidentale artificielle issue des accords de Dayton et dans laquelle ils se trouvent enfermés qu’est la République fédérale de Bosnie-Herzégovine.
L’intégration européenne comme seule perspective d’avenir ?
Après avoir étudié les conséquences de la politique internationale à travers les structures instituées par les accords de Dayton, il s’agit à présent de s’intéresser plus particulièrement à celles de la politique européenne, qui a progressivement pris le relai à partir de 2004.
Si l’Union européenne a mis en place une approche globale à travers différents instruments militaires, civils et économiques il semblerait que les résultats soient pour le moins mitigés. En terme militaire et civil, s’il se trouve que les violences se sont faites très rares et que l’EUFOR n’a jamais eu à intervenir pour maintenir la paix, Marco Overhaus [21] explique que c’est avant tout du fait que l’EUFOR n’a été déployée que neuf ans après la fin du conflit, alors que la stabilisation, la démobilisation des combattants et la fin du recueil d’armes ont été assurées par la SFOR de l’OTAN. Il faut également s’interroger sur les objectifs politiques de l’UE en Bosnie.
Lors du sommet de Thessalonique en 2003, l’UE a défini son élargissement aux Balkans occidentaux comme un objectif. Ainsi, après plus d’une décennie d’investissement dans les champs politiques, économiques et militaires, la lenteur voire l’absence de réformes venant du système autobloquant de la Bosnie-et-Herzégovine, l’UE se voit obligée de modérer ses exigences pour que cet objectif ne soit pas compromis et que tous ses investissements ne passent par pertes et profits. Ainsi il semble que l’UE ait pour politique de privilégier la mise en conformité de la Bosnie-et-Herzégovine avec ses critères d’admission, au détriment d’un développement économique durable afin d’asseoir la viabilité de l’État et le bien-être de la population, ce qui aurait pourtant dû constituer une étape préalable.
L’un des leviers diplomatiques que l’UE pouvait faire valoir afin de faire pression pour la mise en place de réformes était l’avancement du statut de la Bosnie à l’entrée dans l’UE. Un tournant de la diplomatie européenne en Bosnie eut lieu en 2008 avec la réforme autorisant le transfert de la gestion des pouvoirs de police à l’État central qui devait conditionner la signature d’un accord d’association avec l’UE. La réforme échoua, mais l’UE signa tout de même l’accord. Or, pour que la pression politique afin de mener des réformes fonctionne, il faut d’une part qu’elle soit crédible en termes de représailles autant qu’en termes d’incitation. Nous avons vu que la menace de ne pas signer l’accord n’a pas été tenue, mais qu’en est-il de la perspective d’intégrer l’UE ?
Si l’UE jouissait d’une image de paix et de prospérité, il semble que son soft power ait été affaibli par le traitement des pays d’Europe du Sud lors de la crise de la zone euro [22], puis par la situation des pays voisins ayant rejoint l’UE comme la Roumanie, Bulgarie ou la Croatie. L’exemple de cette dernière démontre une certaine incohérence dans la politique d’intégration régionale de l’UE : en intégrant celle-ci, la Croatie a rapidement vu une partie de son industrie disparaître [23] au nom de la politique de concurrence, puis a dû quitter l’Accord de libre-échange centre-Européen (ALECE) qui constituait une part de ses débouchés traditionnels sans que cela puisse être compensé sur le marché européen, ce qui l’a fragilisé, mais a également fragilisé… La Bosnie, qui, elle aussi, exportait vers la Croatie et a vu se fermer l’accès au marché croate à une partie de ses marchandises, mais aussi aux travailleurs bosniens travaillant en Croatie [24].
Conclusion
Après 24 ans de transition politique et économique, la Bosnie-et-Herzégovine constitue un piège autobloquant, où demeure enchevêtrée dans des structures inadaptées la variété de peuples qui la compose. La situation économique malgré l’aide et la tutelle internationale n’a pas connu d’amélioration significative ; tout comme les institutions, les peuples sont restés divisés sur les clivages issus de la guerre. L’Union européenne a réussi à maintenir un certain statu quo politique, mais en se concentrant uniquement sur l’intégration des pays des Balkans un par un, elle a brisé les interdépendances préexistantes et fragilisé la situation économique régionale.
Alors que le processus d’intégration à l’UE semble enlisé par les blocages de la situation politique d’une part, et la stagnation économique d’autre part, cette dernière — sous l’impulsion de l’Allemagne, et après avoir perdu pied lors de la crise du covid — tente de relancer une dynamique [25], que cela soit via l’aide covid à hauteur de 3 milliards d’euros, ou encore un plan d’investissement dans les infrastructures et la transition énergétique de 30 milliards sur sept ans [26], notamment pour faire face aux progrès de la Chine et de la Russie dans la région, mais aussi en réaction à l’accélération de l’instabilité comme on le voit en Bosnie.
Compte tenu de l’emplacement stratégique qu’il occupe dans les Balkans, il convient de prendre en compte que l’évolution de l’État bosnien est étroitement associée à l’évolution des intérêts géopolitiques et doctrines des grandes puissances dans la région. Or, le pivot des États-Unis vers l’Asie, la progression de la Chine avec les nouvelles Routes de la Soie, l’affirmation de la Russie sur la scène internationale, en particulier en tant qu’acteur énergétique de premier ordre, les pressions des États voisins – Serbie et Croatie en tête –, les velléités séparatistes clairement affichées en Républika Srpska et l’éloignement de la perspective d’adhésion, étant donné la division des États membres au sein de l’UE – qui non seulement a gelé son expansion, mais a vu son périmètre rétrécir pour la première fois de son histoire en 2020 avec le Brexit – ne jouent pas en faveur de la stabilité politique et économique de la région. À terme, il n’est donc pas exclu que nous assistions à une remise en cause des frontières et de l’organisation issue de l’effondrement de la Yougoslavie pouvant aller jusqu’à la désintégration de la Bosnie.
Rémy Rocquencourt
Notes :
[1] Laurent Geslin, « Dix ans après Dayton : la Bosnie-Herzégovine à l’heure du bilan », Confluences Méditerranée, 2006/1 (N° 56), p. 176.
[2] J-A Dérens & Laurent Geslin, Comprendre les Balkans. Histoire, sociétés, perspectives, Non Lieu, Paris, 2018, p.72.
[3]Ibid., p. 35.
[4] Xavier Bougarel, Bosnie. Anatomie d’un conflit, Paris, La Découverte, 1996 ; cité par J-A Dérens & Laurent Geslin, Comprendre les Balkans. Histoire, sociétés, perspectives, Non Lieu, Paris, 2018, p. 46 ; Corelia Sorabji, Bosnian Neighbourhoods Revisited : Tolerance, Commitment and komšiluk in Sarajevo, p.147 ; cité par Magali Bessone, « Multiculturalisme et construction nationale : le cas de la Bosnie-Herzégovine », Raisons politiques, 2010/4 (n° 40), p. 16
[5] « Le pays glisse vers le confédéralisme et se transforme en une addition de huit nations, de huit économies et de huit partis communistes locaux ayant souvent des objectifs et des ambitions contradictoires. » J-A Dérens & Laurent Geslin, Comprendre les Balkans. Histoire, sociétés, perspectives, Non Lieu, Paris, 2018, p. 107.
[6] Laurent Geslin, « Dix ans après Dayton : la Bosnie-Herzégovine à l’heure du bilan », Confluences Méditerranée, 2006/1 (N° 56), p. 176.
[7] Nebojsa Vukadinovic, « Bosnie-Herzégovine 2002-2003. Un pas en avant, deux pas en arrière », Le Courrier des pays de l’Est, 2003/6 (N° 1036-1037), p. 21.
[8] J-A Dérens & Laurent Geslin, Comprendre les Balkans. Histoire, sociétés, perspectives, Non Lieu, Paris, 2018, p. 224.
[9] Xavier Bougarel, « Dayton, dix ans après : le leurre des bilans ? », Critique internationale, 2005/4 (no 29), p. 13.
[10] Valentin Inzko, « Cinquante-quatrième rapport du Haut Représentant chargé d’assurer le suivi de l’application de l’Accord de paix relatif à la Bosnie-Herzégovine, adressé au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies », Bibliothèque numérique de l’ONU, 30 octobre 2018.
[11] « Nous sommes à un tournant historique : il s’agit de définir notre politique globale pour constituer un seul espace national, que nous gérerions aussi administrativement. Qu’est-ce que cela signifie ? Pourquoi ne pas en parler ? Tous les autres peuples sont autorisés à parler. Les musulmans parlent de leur propre État. Les Albanais parlent de leur État. Les Croates ont déjà réglé leur situation à cet égard. Les Serbes sont les seuls privés du droit de parler d’un État. Eh bien, je veux en parler. Je suis persuadé que la Serbie et la Republika Srpska seront à l’avenir un seul État. » Milorad Dodik, entretien « Circilica », TV Happy, le 16 juillet 2018.
[12] « La Bosnie-Herzégovine est constituée d’éléments disparates. Ce n’est pas un État. Elle n’est pas reconnue au niveau international. » Milorad Dodik, conférence à la Faculté des sciences politiques de Belgrade, Tanjug/Face TV, le 30 mai 2018.
[13] « Désormais, la Bosnie-Herzégovine devra faire face à deux options : exister en tant que structure de Dayton avec des compétences garanties pour les entités ou s’acheminer irréversiblement vers une dissolution pacifique. » Milorad Dodik, Assemblée nationale de la Republika Srpska, le 5 octobre 2018.
[14] « Je suis profondément préoccupé face aux achats disproportionnés d’armes à canon long par certains services des forces de l’ordre. », Valentin Inzko, « Cinquante-quatrième rapport du Haut Représentant chargé d’assurer le suivi de l’application de l’Accord de paix relatif à la Bosnie-Herzégovine, adressé au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies », Bibliothèque numérique de l’ONU, 30 octobre 2018.
[15] Frederica Mogherini, « Rapport de la Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité concernant les activités de l’opération militaire de l’Union européenne en Bosnie Herzégovine », Bibliothèque numérique de l’ONU, 15 novembre 2018.
[16] « Bosnie-Herzégovine : Dodik a-t-il un plan pour la sécession de la Republika Srpska ? », Le Courrier des Balkans, 18 octobre 2021.
[17] Aline Cateux, « Bosnie-Herzégovine : un pas de plus vers la sécession de la Republika Srspka ? », Le Courrier des Balkans, 11 decembre 2021.
[18] Aline Cateux, « Bosnie-Herzégovine : Dragan Čović veut inscrire la division ethnique dans la Constitution », Le Courier des Balkans, 9 décembre 2021.
[19] Aline Cateux, « De Sarajevo à Zagreb, feu d’artifice de provocations croates », Le Courrier des Balkans, 13 décembre 2021.
[20] « Bosnie-Herzégovine : la communauté internationale et la « très réelle » perspective de conflit », Le Courrier des Balkans, 3 novembre 2021.
[21] Marco Overhaus, « Bosnie-Herzégovine : les limites de la gestion de crise à l’européenne », Politique étrangère, 2009/3 (Automne), p.629
[22] J-A Dérens & Laurent Geslin, Comprendre les Balkans. Histoire, sociétés, perspectives, Non Lieu, Paris, 2018, p. 286.
[23] « Les chantiers navals croates paient l’Europe au prix fort », Ouest-France, 16 juin 2013.
[24] Sophie Guesne, « Dubrovnik, nouvelle frontière de l’Union européenne », La Croix, 2 juillet 2013. 25 Conseil européen, « Déclaration de Zagreb », Communiqué de presse, 6 mai 2020.
[25] https://www.consilium.europa.eu/media/43780/zagreb-declaration-fr-06052020.pdf
[26] Calotta Morteo, « Balkans occidentaux : un sommet pour faire patienter des pays en quête d’une adhésion à l’UE », RFI, 6 octobre 2021