Né de la concorde entre joyeux camarades de combat, le Cercle Jean Mermoz est avant tout un creuset, où se fondent les pensées et les analyses de nos glorieux compagnons de route.
Notre cercle pourrait se résumer à la tentative, sans cesse renouvelée, d’un alchimiste ferronnier, s’acharnant avec ferveur à la stabilisation d’un alliage instable. En effet, conjoindre en un même lieu, l’intelligence d’analyse avec l’enthousiasme du militantisme n’est pas chose aisée. Mais nous avons un vénérable prédécesseur ! Mimant la romanesque habilitée du Cercle Aristote, notre morale est inscrite dans l’itératif prologue de leur revue Perspectives libres :
« Il est temps de réaffirmer que la culture française permet de fonder une réflexion fructueuse, à partir de concepts et de catégories qu’elle définit souverainement. Il ne s’agit pas ici de nier les apports étrangers, mais de réapprendre, ensemble, à penser en français, proprement, nettement. Nous nous tiendrons loin de la repentance qui voudrait effacer l’avenir, parce que, précisément, c’est l’avenir qui nous intéresse. Nous préférons l’histoire des héros à la mémoire des salauds, et il n’est d’hommes dignes à nos yeux que ceux qui sont encore capables d’admirer, ce que nous ne manquerons pas de faire en rendant hommage aux géants d’hier et d’aujourd’hui. Multidisciplinaires, sans enfermement partisan et indifférents au cloaque mental que devient progressivement le débat public, nous sommes et nous resterons Libres. »
L’intelligence d’analyse, et l’opiniâtreté de l’étude comme fondements baptismaux ; la promotion tous azimuts des intelligences françaises contemporaines comme stratégie.
Alliant la brume du cloître et l’exaltation des sens du théâtre, le Cercle diffuse aussi bien sous forme écrite, qu’audiovisuelle. Régis Debray, notre Saint-Patron, nous a avertis sur la nécessaire dialectique que l’on se doit d’installer, entre notre époque vidéosphèrique, et la pudeur manuscrite de notre héritage graphosphèrique. Virale, mais spectrale, la seule vidéo s’écoute davantage qu’elle s’étudie — L’écriture : sage étude, lentement digérée, mais difficilement miscible avec l’instantanéité des réseaux. La dialectique des semi-opposés s’inscrit en miroir, comme notre syllogisme stratégique.
Conjoignant ces deux forces sinusoïdales, l’art opératif du Cercle s’enroule autour d’un double axe de Renaissance : à la fois sanctuaire des pensées ensevelies et promontoire duquel peuvent se hisser les penseurs contemporains. Tout à la fois refuge et tremplin.
Héritier sans horizon : « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament » comme l’affirmait René Char. La tâche est difficile, il s’agit non moins que de recréer sur le sol aride d’une civilisation mécaniste et planétariste, déracinée et liquéfiée, les jalons d’une nouvelle pensée française pour le siècle qui vient. « Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve. » disait le poète.
Du douloureux constat que notre Nation s’enlise dangereusement dans le marais de l’impuissance politique est née notre révolte. Son nom est Union européenne, mais ce simulacre n’est que le masque d’une idée politique autrement plus dangereuse : la planétarisation de l’impolitisme.
L’analyse de ce mouvement ambigu, tout à la fois Hyper-Moderne et Archaïque ne peut se faire sur un mode univoque d’une réflexion facile et simpliste. Régis Debray, en philosophe médecin a parfaitement diagnostiqué ce mal du siècle : « La modernité archaïsante » — « plus on se modernise, plus on s’archaïse ». Nous sommes pris dans un mouvement futuro-rétrograde. Tout à la fois futuriste dans ses abjections, et archaïque dans ses projections. Le Temps de l’Histoire est passé, c’est le tribalisme cybernétique qui se profile à l’horizon.
« On rêve d’être soi-même quand on n’a rien de mieux à faire. On rêve de soi et de la reconnaissance de soi quand on a perdu toute singularité. Aujourd’hui, nous ne nous battons plus pour la souveraineté ou pour la gloire, nous nous battons pour l’identité. La souveraineté était une maîtrise, l’identité n’est qu’une référence. La souveraineté était aventureuse, l’identité est liée à la sécurité (y compris aux systèmes de contrôle qui vous identifient). L’identité est cette obsession d’appropriation de l’être libéré, mais libéré sous vide, et qui ne sait plus ce qu’il est. » Jean Baudrillard
La pensée doit s’élargir, se démembrer, puis se remembrer ; s’exiler pour mieux se réenraciner — sans jamais se désœuvrer. Le retour d’Ithaque comme cheminement, la souveraineté comme chandelle : voilà notre épitaphe.
Notre situation unique dans l’histoire du monde nous oblige à devenir forgerons et armuriers ; eux seuls sont allégoriquement capables de sculpter les haches et les épées capables d’ouvrir des brèches éclatantes dans l’insaisissable société liquide contemporaine.
Le cloisonnement disciplinaire dont nous sommes victime vire à l’encloîtrement. Une pensée française pour le siècle qui vient, n’éclora pas dans de vulgaires silos compartimentés et particularisés – L’enfermement dans un quelconque « Cloaque mental » nous est parfaitement étranger.
« Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise pensée. C’est d’avoir une pensée toute faite. Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise âme et même de se faire une mauvaise âme. C’est d’avoir une âme toute faite. Il y a quelque chose de pire que d’avoir une âme même perverse. C’est d’avoir une âme habituée. » Charles Péguy
Notre champ d’étude se voudra ainsi, aussi large que nos vulgaires caboches le permettent.
Histoire, Littérature, Philosophie, Géopolitique, Économie : voilà notre Pentagramme. Notre projet se veut solaire, mais non monogamique. C’est sous la constellation du précieux avertissement de Régis Debray que nous cheminerons : « Le présent a gonflé. Il est devenu obèse. Il a mangé le passé et l’avenir. Le dégonfler est une nécessité – et un plaisir. Les médias opèrent à coups de stimulations sans mémoire et d’impacts sans avenir ; la littérature desserre l’instant, et met de la syntaxe là où nous nous habituons à une rhapsodie de surprises sans débouchés ni conséquences. L’ordinateur réduit la profondeur du temps, un livre d’auteur prend son temps. C’est un maximum de durée dans un minimum de volume – avec un rapport temps/espace, comme on dit qualité/prix, jusqu’ici imbattable. »
Loin des autoroutes de la pensée pavlovienne et automatique, nous bourlinguerons sur le sentier d’une souveraine pensée française — libre et dansante, poétique et politique.