Pour bien comprendre l’affaire Alstom, il faut connaître l’histoire de cette entreprise. Or, l’histoire d’Alstom est indissociablement liée à celle de la Compagnie Générale d’Electricité (CGE), devenue plus tard Alcatel-Alsthom. Comme nous le verrons dans ce Chapitre 1, le démembrement de ce conglomérat a profondément fragilisé Alstom bien avant les événements de 2014, amplifiant durablement sa vulnérabilité face à d’autres grands Groupes étrangers, comme General Electric…
Il est faux de dire qu’Alstom se portait comme un charme au moment de l’affaire de 2014. Il est tout aussi faux de dire que son rachat par une autre entreprise était la seule fin possible de cette histoire. Mais c’est une dimension qu’il faut étudier, pour comprendre comment une société comme Alstom se trouve en vulnérabilité croissante, sur des marchés et des activités où la concurrence allait s’exacerbant. L’affaire Alstom revête ainsi une dimension économique, qu’il convient d’analyser pour comprendre comment General Electric pouvait racheter Alstom, à quels fins, et pourquoi.
L’affaire Alstom n’est pas seulement l’histoire d’une entreprise en difficulté, rachetée inopinément par un Groupe américain. En réalité, elle s’inscrit dans un continuum qui frappe l’ensemble des industries françaises depuis les années 1980, et qui ne cesse de les fragiliser encore aujourd’hui… Alstom, en cela, ne fait pas figure d’exception à la désindustrialisation de la France : c’est une société qui, comme l’ensemble de nos entreprises, souffre des effets de mauvaises politiques.
Le comprendre est essentiel pour éviter l’apparition de nouvelles « affaires Alstom » à l’avenir…
La vulnérabilité d’Alstom au moment des faits est la même que celle qui frappe toute l’industrie française depuis plusieurs décennies. Le cadre réglementaire, notamment européen, est ici en cause. Isolées, non-protégées et mises en concurrence face à des compétiteurs bénéficiant de politiques protectionnistes ; nos entreprises deviennent des proies faciles pour les grands Groupes étrangers, dont General Electric n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres…
L’affaire Alstom doit son nom au fait qu’elle est une affaire judiciaire, impliquant le Département de la Justice américain. Pour comprendre comment l’entreprise s’est trouvée assignée devant la Justice des États-Unis, il faut tout d’abord étudier le fonctionnement des dispositifs d’intelligence économique américains, d’une redoutable efficacité. C’est l’objet de ce Chapitre.
Le Chapitre précédent ayant développé le fonctionnement de l’intelligence économique des États-Unis, il s’agit ici de voir comment ces dispositifs se sont mis en mouvement contre Alstom, et comment le rachat d’activités stratégiques par General Electric relève de cet ingénieux « piège américain ».
« Pourquoi aucun industriel français n’a racheté les activités stratégiques d’Alstom au moment de l’affaire ? » Pour répondre à cette question, revenons sur les mesquineries, les intrigues et les conflits d’intérêts que nos industriels français ont rencontré au moment des faits, et essayons de comprendre comment, et pourquoi, des actifs essentiels à notre souveraineté nationale peuvent tomber dans les mains de compagnies étrangères…